Droits culturels, définition par Irene Favero

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Dans la collection : Politiques des communs

Objet(s) de commun : Culture,  Patrimoine culturel,  Communauté  Enjeu(x) : Droits culturels,  Identité,  Dignité  Résultat(s) attendu(s) : Récit commun  

Irene Favero propose une définition des droits culturels dans le contexte de la préparation d'une émission de radio Communs urbains, l'Atlas !

Métadonnées

Date de création 2019/10/20
Date de publication 2020/02/05
Durée 00:09:00
Langue du contenu FR
Pays France
Fait partie de Politiques des communs
Média Audio


Transcription

Irene Favero, pouvez-vous nous expliquer ce que sont les droits culturels ?

Pour appréhender simplement les droits culturels, on peut débuter en expliquant que les droits culturels sont une catégorie des droits de l’homme. Bien qu’ils soient moins développés, les droits culturels sont tout de même reconnus en tant que tels dans différents instruments juridiques nationaux et internationaux.

C’est d’ailleurs probablement du fait de leur éparpillement au sein de différents instruments juridiques, à différents échelons, que ceux-ci sont moins connus et moins étudiés, ou qu’il a été moins évident de développer une pensée cohérente autour de ces droits.

C’est pour cette raison qu’un groupe de chercheurs a entrepris de réunir tous ces droits éparpillés dans un document nommé la Déclaration de Fribourg sur les droits culturels. Cette déclaration a le mérite de créer un corpus cohérent de droits, de permettre une meilleure compréhension et appropriation de ces droits, et d’étudier plus précisément leur effectivité.

On trouve dans la Déclaration de Fribourg différents droits culturels. Certains d’entre eux sont très connus et déjà très identifiés et mobilisés dans nos sociétés, comme le droit à l’éducation, le droit à l’information ou encore le droit de participer à la vie culturelle.

Mais il est aussi très intéressant de constater que la Déclaration de Fribourg sur les droits culturels expose et rend visible toute une série de droits que nous avons moins l’habitude de prendre en considération, et qui sont peu ou moins présents dans notre esprit.

Par exemple, le droit de se référer (ou non) à une communauté culturelle. Ou encore, le droit à participer au patrimoine culturel.

La ligne commune qui relie tous ces droits repose sur la question de l’identité. C’est pourquoi, une définition fréquente et classique consiste à dire que les des droits culturels désignent les droits, les libertés et les responsabilités, pour une personne seule ou en commun, de choisir et d’exprimer son identité et sa dignité.

Lorsque l’on parle des droits culturels, on doit bien être conscient du fait que cela ne concerne pas le domaine restreint de la “culture”.

Les droits culturels vont chercher à s’intéresser à l’ensemble des domaines de la vie d’une personne. Il s’agit de voir comment toutes ces situations de vie commune deviennent des opportunités pour la personne d’exprimer et d’enrichir son identité, sa dignité et sa culture.

Parce qu’ils vont s’intéresser à l’ensemble des domaines de la vie d’une personne, on a l’habitude de dire que droits culturels sont un levier pour l’effectivité de tous les autres droits de l’homme.

On dit que tout droit de l’homme est une relation sociale. Les droits culturels nous permettent de travailler la qualité de cette relation là, établie dans n’importe quel autre droit de l’homme.

Prenons pour exemple le travail. Ce que l’on définit comme “droit au travail” ne se réduit pas au droit d’avoir un travail. Il en est de même pour le droit à la santé, qui ne peut se réduire à la possibilité d’accéder à des soins. Ou encore, en matière de culture, le droit de participer à la vie culturelle ne se limite pas au droit d’aller au théâtre ou au cinéma.

La définition d’un droit ne peut être réduite à l’idée d’accéder à un service.

Si tout droit est une relation, alors les droits culturels sont les droits qui mettent en jeu la dignité et l’identité des personne dans l’application de tous les autres droits.

Cette grille d’analyse sur nos vies nous pousse à formuler de nouvelles questions. Par exemple, les droits culturels en matière de santé nous conduisent à interroger notre niveau d’accès à l’information sur les soins qui nous sont prodigués. Ou encore, les droits culturels interrogent la part de créativité et d’humanité que notre travail nous permet d’avoir et d’exprimer.

Les droits culturels sont en ce sens une approche très qualitative. Ils mettent en jeu toutes les situations où mon humanité peut s’exprimer. Ils permettent d’évaluer le niveau d’humanité et de dignité des situations où s’exercent les droits de l’homme dans la vie courante.

Enfin, je voulais vraiment insister sur l’idée que les droits culturels ne concernent pas uniquement la culture, au sens où on l’entend habituellement. Il s’agit dans ce contexte d’une interprétation très élargie de la notion de culture, compte tenu du fait que notre culture s’exprime dans tous les endroits ou tous les moments de notre vie, en tant qu’expression de notre façon d’être.

Par ailleurs, il me semble important de dire que les droits culturels mettent en avant la question des capacités. Et notamment la capacité à interagir et à être en relation, qui dépendent du droit à l’éducation, du droit à appartenir à une communauté et des processus d’identification et d’apprentissage qu’il induit.

La notion de capabilités est centrale lorsque l’on parle de droits culturels. Nous parlons de la capacité de chacun à pouvoir être citoyen, en étant en confiance dans une interaction émancipatrice, à la fois individuellement et collectivement.

Il s’agit donc de l’expression d’une identité individuelle qui ne se développe pas seule, mais au contact de ressources, de récits, de communautés. C’est à cet endroit notamment que l’on peut relier la question des droits culturels à celle des communs.