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Le logiciel libre comme fer de lance des biens communs numériques
Par Stéphane Couture
Ce document fait partie du dossier DPH sur les communs numériques.
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Cet article présentera les logiciels libres comme fer de lance des communs numériques. Pour reprendre les termes de Wikipédia (19 novembre 2013), « un logiciel libre est un logiciel dont l'utilisation, l'étude, la modification et la duplication en vue de sa diffusion sont permises, techniquement et légalement ». Les logiciels libres sont intéressant à analyser pour eux-même, mais également par la manière dont ils sont des inspirations pour de nombreuses autres initiatives qu'il convient d'analyser dans le modèle des communs. Toutefois, bien que le développement de certains logiciels libres restent aujourd'hui encore fortement basés sur approche « communautaire » et non-commerciale, d'autres sont désormais fortement investis par les dynamiques des capitalistes. En cela, les logiciels libres sont intéressant à analyser comme un cas paradigmatique des communs numériques, car ils mettent de l'avant l'idée les tensions qui existent dans la gouvernance des communs.

Brève histoire des logiciels libres

Les principes des logiciels libres ont été mis en place dans les années 1980 par Richard Stallman, qui a également participé à la création de la Free Software Foundation du projet GNU d'un système d'exploitation complètement libre. Il est également important de mentionner que l'invention des principes des logiciels libres, à ses débuts, avait surtout un objectif éthique : celle de pouvoir partager ses connaissances avec son voisin. D'ailleurs, plus récemment, les partisans des logiciels libres articule leur revendication autour de la liberté d'expression. Pour Stallman, le logiciel libre se définissait par quatre libertés :

      1. la liberté d'exécuter le programme, pour tous les usagesRevoir ça.  ;
    1. la liberté d'étudier le fonctionnement du programme et de l'adapter à ses besoins ;
    2. la liberté de redistribuer des copies du programme (ce qui implique la possibilité aussi bien de donner que de vendre des copies) ;
    3. la liberté d'améliorer le programme et de distribuer ces améliorations au public, pour en faire profiter toute la communauté.

Au cœur des logiciels libres on retrouve donc l'accès au code source soit l'ensemble des instructions qui forment écrites dans un langage de programmation humain lisible. Au fil des années, les principes du logiciel libre attirèrent davantage de gens et leur popularité accrurent. Si bien qu'un peu avant les années 2000, ce modèle attira l'attention des entreprises qui y voyaient avant tout une façon plus économique de développer des logiciels pérennes et efficaces. C'est ainsi que le terme « open source » est apparu, pour proposer une terminologie plus amicale pour les entreprise que le terme de « free software » trop souvent associé au terme de gratuité ou à sa dimension politique de liberté, qui ne faisait pas nécessairement l'affaire des entreprises. Cette tension exista encore aujourd'hui.


Au contraire de qu'affirmait les premiers observateurs des communauté de logiciels libres, celles-ci sont loin de fonctionner sans règles. Les modalités de production au sein des logiciels libres peuvent être décrite par ce que Dominic Cardon décrit par le terme d'innovation par l'usage, ou d'innovation ascendante. Pour Cardon, l'innovation ascendante se fait autour de trois cercles, soit le cercle des innovateurs, qui a démarré le projet, la nébuleuse des « contributeurs » qui apportent des contributions minimales au projet et un cercle intermédiaire, le cercle des « réformateurs », qui inclut des acteurs qui réforment ces contributions.


Fichier:Nebuleuse-fr.pngBien qu'il existe une multitude de projets de logiciels libres développé sur une base individuel et très peu actifs, la plupart des projets matures et collectifs peuvent être décrits par ce modèle d'innovation ascendante. Cependant, il existe des différences importantes en terme de gouvernance et d'organisation du développement. L'article s'attardera plus particulièrement à deux cas de logiciels libres, aujourd'hui emblématique : le système d'exploitation Debian et le noyau Linux.

Le noyau Linux

Linux est sans doute l'un des logiciels libres les plus connus au point où on pourrait qualifier ce logiciel comme l'une des plus importante emblème des logiciels libres. Cependant, on fait souvent l'erreur d’appeler par Linux des systèmes informatiques plus large que ce logiciel. C'est d'ailleurs pour cette raison que beaucoup de militants du logiciel libre insistent souvent pour parler de GNU/Linux plutôt que simplement Linux, pour faire référence au fait que Linux ne constitue que le noyau d'un système d'exploitation plus large. En fait, Linux est plutôt un noyau de système d'exploitation. S'il est encore aujourd'hui marginalement utilisé comme bureau de travail, il en revanche très largement majoritaire pour certain usages comme les téléphones Android qui constituent la plus grande part du marché des téléphones intelligents.

Le noyau Linux a été créé en 1991 par Linus Torvalds, alors étudiant en informatique. L'objectif de Torvalds à ce moment n'était pas tant de contribuer au bien commun, mais simplement d'expérimenter avec un clone de Unix. Le projet Linux a cependant créé un intérêt assez soudain chez beaucoup d'informaticiens, notamment dans la communauté alors encore embryonnaire des développeurs de logiciels libres. Le succès de Linux a d'ailleurs plus tard amené Eric Raymond, l'un des créateur du terme open source, à décrire le modèle de Linux comme celui d'un bazar où l'on le coordonnateur prendrait des pièces pour les assembler. Ceci peut être considéré comme la première description sociologique du modèle du logiciel libre, qui donnera lieu à des analyses plus fines, comme celles à propos de l'innovation ascendante, présentées plus tôt.

Aujourd'hui, le projet Linux est encore très actif et son développement. Le développement de Linux est en fait basé sur trois modalité principale. D'une part, la publication d'une version appelée « vanilla » à tous les trois mois qui fait en quelque sorte un sommaire des différentes améliorations des dernières semaines. Ensuite, une version stable, mené par une équipe de « stabilité » qui publie des versions à plus long terme et finalement, une version de développement, modifiée quotidiennement.

Le développement de Linux est généralement vu comme étant dirigé d'une main de fer par son fondateur Linus Torvalds, d'ailleurs souvent considéré comme le « dictateur bienveillant » de la communauté. Il est accompagné d'une petite équipe autour de lui, puis de plusieurs centaines de contributeurs (ce qui correspondrait à peu près). Le développement de Linux est également soutenu par la Fondation Linux, qui regroupe des membres corporatifs, tel que Fujitsu, HP, IBM, Intel ou Oracle. D'une manière générale, on peut dire que le développement de Linux est dirigé par la personne de Linus Torvalds et fortement influencé par les entreprises. Cependant, des modalités sont mises en place pour permettre de « forker » le noyau et le réutiliser dans différentes circonstances (un peu plus à propos de Github).


Voir plus loin :

http://en.wikipedia.org/wiki/Linux_kernel#Development_model

https://github.com/torvalds/linux

Le projet Debian[1]

Debian est une distribution, c'est à dire un système d'exploitation et un ensemble de composantes logicielles basée sur le noyau de Linux. Sans être très populaire, la distribution Debian est également significative car elle est la source d'autres distributions, en particulier Ubuntu, une distribution beaucoup plus populaire et souvent utilisée pour les débutants. Il est intéressant de présenter ici Debian en le comparant à Linux, car les modes d'organisation des deux projets sont assez différents et en fait, beaucoup plus communautaire dans le cas de Debian. Debian se démarque d'ailleurs par différents documents qui forment le social de la gouvernance du projet : le contrat social, la constitution et la charte.

Le contrat social est en quelque sorte le document fondateur de la communauté et définit les principes moraux et inaliénables de la communauté. Le contrat expose sa propre de définition de ce qui constitue un logiciel libre, stipule que toutes les composantes du système doivent rester libres mais que le système lui-même peut fonctionner avec des logiciels non libres. Le contrat affirme également un devoir de transparence vis-à-vis sa mémoire, par exemple en conservant une trace des débats et des bogues qui ont eu lieu dans le passé.

La constitution[2] est le document central de la communauté. Elle définit la mission du projet, les modalités de décision et de résolution de conflits et le pouvoir des membres. La constitution énonce par exemple que les responsable du projet sont élus par une majorité??? (à revenir) suite à une période d'élection durant six semaines. La constitution énonce également qu'une décision du responsable peut être suspendue si un certain nombre de développeurs demande sa suspension[3]. La constitution elle-même peut être amendée par une majorité de 3 pour 1.

La charte de Debian est quant à elle stipule les règles « techniques » pour qu'un « paquet » soit intégré dans la distribution Debian. La charte précise par exemple que tous les logiciels inclut dans Debian doivent être libres (au sens de la Debian Free Software Guidelines), les conventions pour établir le nom et la version d'un paquet. La charte est un document beaucoup plus flexible que la constitution, et évolue continuellement. Voici comment le guide de l'administrateur décrit le processus éditorial de la charte :


« Tout le monde peut proposer une modification de la charte Debian : il suffit de soumettre un rapport de bogue de « gravité » wishlist (souhait) sur le paquet debian-policy. Le processus qui débute alors est documenté dans /usr/share/doc/debian-policy/Process.html : s'il est reconnu que le problème soulevé doit être résolu par le biais d'une nouvelle règle dans la charte Debian, la discussion se poursuit sur debian-policy@lists.debian.org jusqu'à l'obtention d'un consensus et d'une proposition. Quelqu'un rédige alors la modification souhaitée et la soumet pour approbation (sous la forme d'un correctif à relire). Dès que 2 autres développeurs approuvent le fait que la formulation proposée reflète bien le consensus ayant émergé de la discussion précédente (en anglais, le verbe consacré est to second), la proposition peut être intégrée au document officiel par un des mainteneurs du paquet debian-policy. Si le processus échoue à l'une des étapes, les mainteneurs fermeront le bogue en classant la proposition comme rejetée[4] ».

Il est par ailleurs intéressant de noter la présence, au sein du projet, du groupe Debian-Women, qui vise à faciliter une meilleure intégration des femmes dans le projet. Ceci montre bien une certaine politisation du projet, et une désir d'aborder une pluralité de dimensions de la participation.


Le logiciel libre comme bien commun ?

On voit bien que les logiciels libres, dans le expression concrète, répondent bien au critère du bien commun, à savoir qu'ils ne sont ni des biens privés, ni des biens publics. Il est toutefois intéressant de remarquer les différences de gouvernance entre les projets, plus autoritaire (voire « dictatoriale ») dans le cas de Linux, et plus démocratique dans le cas de Debian.

Il faut également mentionner les liens étroits, dans le monde du logiciel libre, entre les dimensions de bien communs, de bien public et bien privé. Comme nous l'avons montré, si Linux reste un bien commun, il est cependant fortement investi par des grandes entreprises commerciales et réutilisés dans la production de biens privés, ou semi-privés par exemple l'éco-système Google. De la même manière, Debian, même si sa nature de bien commun est beaucoup moins ambiguë, est à son tour récupéré par la distribution Ubuntu, qui est développé et soutenu par l'entreprise commerciale Canonical. Cependant, ces liens ne sont pas à sens unique, et les entreprises privées contribuent également au bien commun, comme c'est le cas de Linux. Par ailleurs, l'intérêt de plus en plus important des administrations publiques pour les logiciels libres montre également des relations entre le bien commun et le bien public. On le voit, les relations entre bien commun, bien public et bien privé dans le cadre des logiciels libres sont complexes, mais il ne fait pas de doute que les logiciels libres conservent néanmoins leur nature de bien commun.


  1. Voir cette page pour une excellente présentation du fonctionnement de la communauté Debian : http://debian-handbook.info/browse/fr-FR/stable/sect.debian-internals.html
  2. http://www.debian.org/devel/constitution
  3. Dans un style très « geek », le projet spécifie que le nombre de développeurs nécessaires pour suspendre une telle décision est de 2K où K est le minimum de Q et de 5 et Q est la moitié de la racine carré du nombre de développeurs courant.
  4. Voir cette page pour une excellente présentation du fonctionnement de la communauté Debian : http://debian-handbook.info/browse/fr-FR/stable/sect.debian-internals.html