Les communs urbains à Rome
Dans la collection : Atlas des chartes des communs urbains, Expérience italienne des communs urbains
Ici, nous documentons l'expérience des communs urbains à Rome sous l'angle de l'Atlas des chartes des communs urbains.
Objet(s) de commun : Logement, Ville, Marché immobilier Enjeu(x) : Droit à la ville Action(s) : Centre social occupé et autogéré, Occupation, Squatt
Documentation
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Métadonnées
Langue du contenu | FR |
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Pays | Italie |
Fait partie de | Atlas des chartes des communs urbains, Expérience italienne des communs urbains |
Média | Fiche |
Coordonnées géographiques | 41° 53' 54.71" N, 12° 28' 41.92" E |
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Source : De l’autogestion d’un espace à l’autogouvernement de la ville - étude de la mobilisation Decide Roma, decide la città par Simone Ranocchiari
L'espace comme enjeu politique
Rome est une ville dont la forme parle d'elle-même. Elle raconte une histoire de pouvoir qui voit primer une structure économique et entrepreneuriale basée sur l'immobilier, et pour laquelle, l’espace constitue une véritable marchandise, une ressource sur laquelle faire du profit. Cela s'explique notamment par l'intégration tardive dans l'État italien, lorsque la ville est retirée à la gestion de l'église catholique et l'absence d'industrialisation. Rome a pour principale activité le tourisme et l'administration, ce qui fait de l'immobilier l'une de ses principales sources de revenu. En conséquence, le territoire de la ville a été l'objet d'une prédation systématique par les acteurs économiques capitalistes qui ont institutionnalisé et légalisé leur approche et pratiques dans le gouvernement de la ville.
Face à cette trajectoire, le phénomène des «centres/espaces sociaux» et les occupations de logements (le movimento di lotta per la casa) ont constitués un mouvement puissant pour l’émergence de formes spontanées et organisées d’autoproduction, autogestion et auto-construction de la ville.
Les centres sociaux occupés et autogérés
Les centres sociaux sont des espaces abandonnés (souvent post-industriels) occupés par des collectifs politiques hétérogènes, souvent liés au mouvement de «l’Autonomie» (autonomia) ou d’héritage anarchiste. Le phénomène des centres sociaux occupés et autogérés (centri sociali occupati autogestiti CSOA) s’est développé dans toute l’Italie à partir des années 1970. C'est au départ un mouvement générationnel lié à la contre-culture, à la musique et aux styles de vie alternatifs. Il se diffuse très rapidement de manière capillaire sur une grande partie du territoire national italien. Dans les années 2000, une «2eme génération des centres sociaux» pour trouver des nouvelles formes d’agrégation des forces sociales et élaborer des nouvelles stratégies territoriales. Les noms «espace public autogéré» (spazio pubblico autogestito SPA) «atelier autogéré» (atelier autogestisto), et, successivement, « espace de secours mutuel » (spazio di mutuo soccorso) définissent certaines des nouvelles occupations. Ces espaces «occupés hybrides» (spazi sociali ibridi), se caractérisent par une accentuation du caractère conflictuel exercé sur le plan plus strictement politique, et semblent revendiquer de manière moins accentuée le caractère culturel et identitaire. Ces nouvelles occupations comme Strike, Esc, Communia, Cinema Palazzo, naissent souvent en lien avec les mouvements étudiants qui ont marqué la première décennie des années 2000, ou encore en lien avec un conflit territorial concernant, par exemple, la contestation du changement de destination d’un immeuble. Ces mobilisations font revenir les luttes sociales dans les centres urbains, comme dans le quartier étudiant de San Lorenzo, où se situent importantes institutions culturelles en état d’abandon qui ont été occupées pendant cette période (Teatro Valle, Cinema Volturno, Cinema America, Cinema Palazzo, ...). Ces mobilisations correspondent à l'émergence de questions liées au travail, en donnant une place centrale aux luttes du «précariat cognitif» avec l’aide, par exemple, des «syndicats métropolitains» (sindacati metropolitani), ou selon la définition de Sansonetti, des «chambres du travail du bio-syndicat» (Camere del lavoro del bio-sindacato).
L'émergence du mouvement pour les communs urbains
Le 25 janvier 2016 pourrait certainement être considérée comme la date de naissance des mobilisations pour les communs urbains à Rome. Cette date correspond à l'organisation de la première assemblée qui sera à l'origine de la campagne «Roma Non si Vende», pour contester l’optique monétariste imposée à la Capitale par le commissaire (qui a remplacé le Maire démissionnaire) à travers le DUP (plan d'urgence) puis de «Decide Roma –Decide la città». Ces mouvements sont nourris de l’indignation des mouvements sociaux qui voient derrière l’image d'adjudicateur, censé simplement «appliquer la loi» pendant les six mois d’administration d’urgence du commissaire, la volonté d’effacer les espaces politiques construits pendant des années par les habitants. Ceux-ci regroupent non seulement les centres sociaux, mais aussi les réseaux territoriaux, espaces sociaux, comités et associations de quartier ..., qui sont des espaces de mobilisations larges et unitaires, notamment autour de luttes territoriales locales et des associations comme «Viva la Vita» - principale association de malades de SLA - des associations de musicothérapeutes, écoles de musique etc. Ce mouvement a permis de «syndicaliser» le monde l’associationniste, et de sortir des pratiques et modes d’action propres au monde des centres sociaux et de s’ouvrir plus largement à la ville pour politiser l'accès aux ressources de la ville. Ce mouvement se bat sur la défense du patrimoine et des services publics, impulsant une prise de conscience qui ne soit pas relative exclusivement au monde de l’autogestion. Marco Bersani, président d’ATTAC Italia, dira alors: «Il faut démontrer qu’il y a un contre-pouvoir social et territorial dans la ville (...) il faut mener une résistance systémique et montrer qu’on n’est pas des indiens dans une réserve». Il impulse la rédaction de la «Carta di Roma Comune» et de ses dix principes élaborées jusque-là, selon l’idée de travailler dans un aller-retour entre les niveaux métropolitain et local, et met en place de formes nouvelles de coordination les assemblées d'assemblées.
Ce mouvement débouche sur l'approbation par la ville de la motion 7 du 9 août 2016, qui prévoit «la suspension des évictions afin de procéder à l’examen, cas par cas, de toutes les réalités concernées, en sauvant celle qui n’ont pas de finalité de profit et qui ont une valence culturelle et sociale, animées par les citoyens». Pour les activistes, c’est un premier pas vers la reconnaissance des communs urbains. Le pas suivant sera l’écriture collective d’un nouveau règlement sur l’usage du patrimoine communal qui permette de dépasser la loi 26 et, surtout, la loi 140 qui menace le monde de l’autogestion.
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